Le contrat de franchise - description des éléments caractéristiques
par Patrick Kileste, Cécile Staudt et Alice Dejollier
25-01-2017

Le contrat de franchise - description des éléments caractéristiques

LE CONTRAT DE FRANCHISE

 

« La franchise constitue, sans doute, aujourd’hui l’un des modes les plus répandus de collaboration entre entreprises »

 

 

A).      la notion de franchise

 

La franchise peut être définie comme étant un mode de collaboration entre deux commerçants indépendants, que l’on dénommera respectivement franchiseur et franchisé, par lequel l’un d’entre eux, le franchiseur, concède « à des partenaires franchisés, contre rémunération, le droit d’exploiter une formule de production et/ou de commercialisation de produits, de services, de technologies dont il a déjà pu vérifier le succès tout en maintenant, par une organisation sous forme de réseau, une uniformité dans les modalités d’exploitation de cette formule ».

Classiquement, on retrouvera donc, dans un contrat de franchise, les éléments constitutifs suivants :

  • La transmission au franchisé, par le franchiseur, de son savoir-faire et du droit d’utiliser sa marque ;
  • L’assistance du franchiseur au franchisé, tant préalablement à l’entame des activités de celui-ci (par exemples, l’assistance dans le choix du local et dans les négociations avec le bailleur, des recommandations quant aux choix des fournisseurs, la formation initiale du franchisé et de son personnel sur le plan technique, commercial et de gestion, l’aide dans une campagne publicitaire de lancement, etc.) que tout au long de l’exécution du contrat (formation permanente, assistance sur le plan comptable, marketing, etc.) ;
  • L’obligation pour le franchisé d’exploiter le commerce conformément aux règles du réseau ;
  • La rémunération de la transmission du savoir-faire du franchiseur, du droit d’utiliser la marque du franchiseur, de l’assistance continue du franchiseur, etc., sous forme de paiement d’un droit d’entrée et de redevances périodiques par le franchisé.

 

 

B).      ses avantages

 

La franchise présente des avantages tant pour le franchiseur que le franchisé et les consommateurs. Ces avantages résultent principalement de l’existence d’un réseau.

  • Pour le franchiseur

La mise en place d’un réseau de franchise permet au franchiseur…

  • de retirer, le cas échéant à une très grande échelle, un succès commercial acquis de son expérience propre ;
  • de valoriser le savoir-faire et l’image de marque ainsi développés, sans devoir procéder lui-même à de nouveaux investissements, tout en évitant une augmentation de ses coûts personnels.

 

  •  Pour le franchisé

Le franchisé, quant à lui, bénéficie des avantages suivants :

  • Profiter de l’image, de la notoriété et du savoir-faire du franchiseur ;
  • Démarrer ainsi son activité en ayant la quasi-certitude d’attirer rapidement une clientèle déjà acquise aux produits ou services du franchiseur ;
  • Créer sa propre affaire tout en bénéficiant d’un risque économique faible, par comparaison avec le lancement d’un commerce ordinaire ;
  • S’il est inexpérimenté dans le secteur d’activités dans lequel il souhaite se lancer, la franchise permettra au franchisé de profiter de l’assistance du franchiseur.

 

  • Pour les consommateurs

Les consommateurs sont quant à eux assurés de l’homogénéité de la qualité des produits et des services dans toute la chaîne.

 

C).      cadre légal

 

Au niveau européen, la franchise est appréhendée uniquement sous l’angle du droit de la concurrence. Les autorités européennes étant arrivées à la conclusion que la franchise pouvait, dans de nombreux cas, stimuler la concurrence, elles ont décidé de lui faire bénéficier d’un régime d’exemption, définissant les conditions auxquelles les accords de franchise sont en principe admis. Ainsi, c’est aujourd’hui le Règlement (UE) n° 330/2010 qui régit la question.

 

En Belgique par contre, le contrat de franchise ne fait l’objet d’aucune réglementation spécifique. Ce sont donc les cours et tribunaux belges qui se sont chargés d’élaborer le régime juridique lui étant applicable, principalement sur la base du droit commun. En outre, seule la phase précontractuelle de la franchise s’est vue régie par le droit belge, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005 relative à l’information précontractuelle dans le cadre d’accords de partenariat commercial, faisant désormais l’objet du titre 2 du livre X du Code de droit économique.

 

D).     Période précontractuelle

 

Nous venons de le souligner, seule la phase précontractuelle du contrat de franchise fait l’objet d’une législation belge spécifique. Le titre 2 du livre X du Code de droit économique, dont l’objectif est d’assurer l’équilibre de la relation commerciale notamment née du contrat de franchise, prévoit ainsi l’obligation, pour le franchiseur, de fournir au potentiel futur franchisé, un mois au moins avant la signature effective du contrat, le projet d’accord ainsi qu’un document d’information précontractuelle (appelé « DIP ») (voy. l’article X.27 du Code de droit économique). Ceci doit permettre aux parties de s’engager en toute connaissance « des droits et obligations qui découlent du contrat et du contexte économique dans lequel se situe l’accord ».  

 

En cas de non-respect de cette obligation, l’article X.30 du Code de droit économique stipule que la personne qui en obtient le droit pourra valablement demander la nullité de l’accord de franchise, dans un délai de deux ans à compter de sa conclusion. Si le contrat contient une disposition contractuelle importante (c’est-à-dire requise par la loi) ne figurant par le DIP, seule celle-ci pourra par contre être annulée, le contrat étant en principe maintenu pour le reste. Enfin, si l’une des données pour l’appréciation correcte de l’accord s’avérait manquante, incomplète ou inexacte, c’est le droit commun en matière des vices de consentement ou de la faute quasi-délictuelle qui pourra être invoqué.

 

Pour de plus amples développements relatifs au livre X du Code de droit économique et l’information précontractuelle, nous vous renvoyons à (article sur le DIP).

 

En outre, d’autres principes, issus du droit commun, pourront trouver à s’appliquer durant la phase précontractuelle. L’on pense notamment à l’article 1134 du Code civil, qui stipule les conventions « doivent être exécutées de bonne foi ». Cette disposition impose un devoir de loyauté et de collaboration entre parties, devant présider tant au moment de la conclusion du contrat qu’au cours de son exécution. Il en résulte donc une obligation générale et mutuelle d’information précontractuelle, qui impose à chaque partie de fournir loyalement à l’autre les éléments d’appréciation permettant à son futur partenaire d’évaluer, le plus objectivement possible, le risque commercial que comporte l’opération et d’apprécier ainsi, en connaissance de cause, son opportunité.

 

La transgression de cette obligation de droit commun entraînera la possibilité, pour la partie qui s’en prévaut, d’invoquer également la théorie générale des vices de consentement qui permettra, si les conditions sont réunies, l’annulation du contrat en question.

 

 

 

E).      Période contractuelle

 

Comme indiqué précédemment, il n’existe pas à proprement parler de cadre juridique spécifique entourant l’exécution du contrat de franchise. Il appartiendra donc aux parties de s’en remettre aux termes du contrat, dans lequel elles auront pris soin de libeller les diverses obligations incombant à chacune d’elles. Pour rappel, ces obligations devront impérativement être reprises dans le DIP telles qu’elles figurent dans le contrat de franchise (voy. l’article X.28, §1er, 1° du CDE).

 

Nous nous limiterons, dans cette partie, à ne citer que certaines obligations essentielles à charge du franchiseur d’une part, et du franchisé d’autre part.

 

Ainsi, il appartiendra au franchiseur de…

  • communiquer au franchisé son savoir-faire, défini par le Règlement européen n° 330/2010 comme « un ensemble secret, substantiel et identifié d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience du fournisseur et testées par celui-ci » (voy. l’article 1er, §1, g du Règlement). Cette notion recouvre donc les procédés et méthodes qui ont fait le succès du franchiseur, c’est-à-dire l’idée commerciale sur base de laquelle fut élaboré le concept original de la franchise. Le savoir-faire s’apprécie en fonction de l’objet de la franchise. Il peut recouvrir l’aménagement des magasins, leur agencement extérieur ou leur gestion ;

 

  • d'assister le franchisé, c’est-à-dire de lui fournir « les méthodes importantes et utiles pour la commercialisation des produits et des services lors de la conclusion et de l’exécution du contrat ». Il doit donc faire en sorte que le franchisé débute son activité dans les meilleures conditions ;

 

  • de respecter l’exclusivité territoriale si le contrat de franchise contient une clause d’exclusivité en faveur du franchisé, imposant au franchiseur l’interdiction d’exploiter un commerce similaire ou de concéder l’exploitation d’un autre commerce franchisé dans le territoire donné. En l’absence d’une telle clause, l’obligation de bonne foi pourra néanmoins assurer une certaine protection au franchisé en imposant, par exemple, au franchiseur de s’abstenir de tout comportement pouvant compromettre la prospérité du franchisé.

 

Quant au franchisé, il lui appartiendra notamment….

  • d’observer les normes du réseau, c’est-à-dire de respecter l’image et l’identité du réseau en suivant les prescriptions du franchiseur en la matière ;

 

  • de remplir un certain nombre d’obligations financières, telles que payer – lors de la conclusion du contrat ou juste après – un droit d’entrée (constituant la contrepartie de son entrée dans le réseau et donc de la mise à disposition immédiate du savoir-faire et de la réputation de la marque par le franchiseur), payer des redevances périodiques (représentant la contrepartie de la mise à disposition par le franchiseur de son savoir-faire, de l’amélioration constante de ce savoir-faire ainsi que de son assistance continue) ou atteindre un chiffre d’affaires minimal imposé par le franchiseur ;

 

  • de respecter l’éventuelle clause de non-concurrence inscrite dans le contrat de franchise, lui interdisant d’exercer une activité concurrente durant l’exécution de ce dernier. Une telle clause de non-concurrence pendant la durée du contrat est en principe admise au regard du droit européen, par le Règlement n° 330/2010 évoqué supra. En droit belge, on enseigne généralement qu’elle ne sera licite que pour autant qu’elle soit limitée dans le temps, dans l’espace, ou encore quant à son objet. Le règlement européen impose notamment que la durée de l’obligation de non-concurrence soit limitée à cinq ans.

 

On notera enfin que la violation de cette clause de non-concurrence pourra, bien sûr, entraîner la résiliation du contrat aux torts du franchisé.

 

F).      période post-contractuelle

 

Le Code de droit économique ne prévoyant aucune disposition protectrice particulière en matière de durée minimale du contrat, de délai de préavis à respecter en fin de contrat ou encore d’indemnité de clientèle pouvant éventuellement être réclamée par le partenaire, c’est une nouvelle fois aux termes du contrat de franchise qu’il conviendra de s’en remettre.

 

On notera que la durée du contrat ainsi que les conditions de son renouvellement devront par ailleurs être mentionnées dans le DIP (voy. l’article X.28, §1er, 1°, f du CDE).

 

De même que pour l’exécution du contrat, nous nous bornerons à présenter quelques-unes des obligations principales incombant aux parties au contrat de franchise.

 

Ainsi, il incombera au franchisé, à l’expiration du contrat, d’enlever tout signe d’appartenance au réseau et d’éviter tout acte de concurrence déloyale de nature à créer la confusion aux yeux du public.

 

Quant à la reprise des stocks, le contrat de franchise prévoira généralement leur sort. Une telle clause sera stipulée tant dans l’intérêt du franchisé que celui du franchiseur. En effet, le franchisé ne pourra plus écouler son stock dans les conditions qu’il a connues. De son côté, le franchiseur souhaitera avoir la certitude que les produits présentant les caractéristiques de sa marque ne soient pas écoulés dans des conditions incontrôlables. Si aucune disposition contractuelle ne règle cette question, le principe d’exécution de bonne foi des contrats pourrait engendrer l’obligation, pour le franchisé, de reprendre les stocks encore en possession du franchisé.

 

En outre, le contrat de franchise pourrait prévoir une clause de non-concurrence applicable en fin de contrat. En droit belge, à l’instar de ce qui prévaut au cours de l’exécution de la convention, une telle clause de non-concurrence post-contractuelle est considérée comme licite, à condition qu’elle soit limitée dans le temps, dans l’espace ou quant à son objet.

 

En droit européen, le Règlement n° 330/2010 est plus strict et n’admet une telle clause que si :

  • elle vise uniquement des biens et des services concurrents avec les biens et les services contractuels ;
  • elle est limitée aux locaux et aux terrains où le franchisé a exercé son activité pendant le contrat ;
  • elle est indispensable à la protection d’un savoir-faire transféré par le fournisseur ; et
  • elle est limitée à un an à compter de l’expiration de l’accord.

 

Enfin, on notera que le même règlement européen permet que le contrat de franchise contienne une restriction au droit du franchisé d’utiliser ou de divulguer le savoir-faire qui lui a été transmis et qui n’est pas tombé dans le domaine public, et ce pour une durée indéterminée (voy. l’article 5, §3, in fine du Règlement).

P. Kileste et C. Staudt, Contrat de franchise, Répertoire pratique du droit belge : législation, doctrine, jurisprudence. Droit commercial, économique et financier, Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 10, n° 4.

Proposition de loi réglementant la franchise en vue d’améliorer les pratiques commerciales dans ce secteur, 17 mars 2004, Doc. parl., Ch. repr., sess. 2003-2004, n° 51 0924/001, p. 4.

Règl. (UE) n°330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101, §3, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, J.O.U.E., L. 102, 23 avril 2010, pp. 1 à 7.

M.B., 18 janvier 2006, p. 2732.

Doc. parl., Ch. repr., sess. 2004-2005, n° 51 1687/005, pp. 3 et 5.

F. Glansdorff, « L’information précontractuelle en droit commun. Règles applicables à tous les contrats », Que dire ou ne pas dire avant de conclure un contrat, Journée du juriste d’entreprise du 16 novembre 2006, coll. Le droit des affaires en évolution, Bruxelles, Bruylant, 2006.

L. Cornelis, « La responsabilité précontractuelle, conséquence éventuelle du processus précontractuel », R.G.D.C., 1990, pp. 391 et s.

Comm. Bruxelles, 10 novembre 1987, et commentaire C. Matray, « Vers les usages, sources de droit en matière de franchise ? », Droit de la distribution 1987-1992, Bruxelles, Kluwer, 1994, p. 325.

P. Crahay, « Le contrat de franchise », La distribution commerciale dans tous ses états, Bruxelles, éd. Jeune Barreau, 1997, p. 146.

J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial belge, t. II, Bruxelles, Bruylant, 1976, p. 215 ; P.A. Foriers, « Les contrats commerciaux – Chronique de jurisprudence (1979-1980) », R.D.C., 1983, pp. 133 et 134.