Cour de cassation allemande : Une entreprise en position dominante ne peut traiter différemment des entreprises similaires sans raison objective valable.
par Cécile Staudt
30-10-2016

Cour de cassation allemande : Une entreprise en position dominante ne peut traiter différemment des entreprises similaires sans raison objective valable.

Dans un arrêt du 26 janvier 2016, la Cour de cassation allemande (Bundesgerichtshof) s’est prononcée dans une affaire qui opposait un ancien réparateur agréé de la marque Jaguar à l’importateur allemand. L’importateur avait résilié les contrats de tous les réparateurs agréés du réseau moyennant un préavis de 2 ans, avec l’objectif de réorganiser celui-ci. Il avait ensuite proposé à la plupart de ses anciens partenaires de nouveaux contrats de réparateurs agréés. Le garage, demandeur dans la procédure concernée, ne s’était cependant quant à lui pas vu proposer un tel contrat. Il avait donc introduit une procédure contre l’importateur afin d’obtenir, à titre principal, que celui-ci soit obligé de l’admettre comme réparateur agréé ou, à titre subsidiaire, que la résiliation de son contrat soit considérée comme « inefficace ».

La Cour d’appel avait rejeté la demande principale et fait droit à la demande subsidiaire.

La Cour de cassation, saisie d’un pourvoi contre la décision d’appel, a cassé cet arrêt.

La Cour de cassation a tout d’abord estimé que la Cour d’appel n’avait pas suffisamment examiné la question de savoir si l’importateur occupait une position dominante. Pour définir le marché des activités de réparateur agréé (la réparation des voitures particulières de la marque Jaguar étant particulière), la Cour a jugé qu’il fallait examiner « …si les réparateurs indépendants veulent effectuer le travail sur des voitures particulières d’une marque donnée et s’ils ont une possibilité économiquement viable d’exercer cette activité également sans le statut de réparateur du constructeur pertinent. Dans le cas contraire, le constructeur est en position dominante en termes d’accès aux services de réparation et d’entretien de ces marques et le marché des ressources en amont est limité à une marque en particulier ». La Cour estima que cette question devait être évaluée par les juges du fond.

Dans l’hypothèse où une entreprises est en position dominante, la Cour rappela qu’elle « ne doit pas entraver de manière déloyale l’accès d’autres entreprises ou traiter différemment des entreprises similaires sans raison objective valable. Elle ne doit pas refuser l’accès à une entreprise qui est candidate à l’admission dans son réseau de réparateur et qui répond aux exigences de qualité en vertu desquelles la défenderesse accepte une entreprise similaire dans son réseau de réparateur, à moins qu’il existe des raisons objectives de le faire. Il peut en résulter une obligation de conclure de le contrat pour l’entreprise dominante ».

La Cour de cassation a également estimé que la Cour d’appel ne s’était pas suffisamment justifiée quant à l’existence d’une « dépendance économique ». La Cour de cassation rappela qu’une dépendance économique est reconnue lorsqu’un concessionnaire est tellement axé sur la vente des produits d’un constructeur particulier qu’il ne peut changer de constructeur qu’au prix de désavantages concurrentiels considérables. Si une telle dépendance économique existe, « il est interdit à l’entreprise en position dominante d’entraver de manière déloyale l’accès des petites et moyennes entreprises ou de traiter différemment des entreprises similaires sans aucune raison objective ». Sur ce point, la Cour de cassation a précisé que le principe selon lequel un contrat peut être résilié moyennant un préavis raisonnable est limité par l’interdiction des accords restrictifs de concurrence, dans la mesure où, en l’espèce, le garage remplissait toutes les exigences qualitatives d’un contrat de réparateur agréé de la marque.

La Cour de cassation a également souligné que l’importateur n’avait pas fourni de raisons objectives pour le traitement inégal de la demanderesse vis-à-vis des autres réparateurs ayant obtenu un nouveau contrat.

A propos de la demande formulée à titre subsidiaire relative à l’obligation de motivation de la résiliation, la Cour de cassation a considéré que la justification donnée par la défenderesse (qui avait simplement indiqué que le licenciement ne reposait pas sur un comportement du garage qui ne devrait pas être limité en vertu du règlement européen d’exemption) était suffisante. Seule la raison pour laquelle la demanderesse devait être exclue du nouveau réseau de réparateur agréé n’était pas justifiée mais la Cour de cassation a considéré que cela n’était pas déterminant dans la mesure où ça ne concernait pas la résiliation de l’ancien contrat mais seulement la question de savoir si la demanderesse avait droit à la conclusion d’un nouveau contrat.

Il sera intéressant de suivre cette affaire et de connaitre la décision qui sera rendue par la nouvelle Cour d’appel après le renvoi.

Cécile Staudt