Le Code de déontologie européen de la franchise
par Patrick Kileste et Alice Dejollier
11-12-2017

Le Code de déontologie européen de la franchise

Introduction

Le Code de déontologie européen de la franchise (ci-après, « le Code ») fit récemment l’objet d’une réforme menée par la Fédération Européenne de la Franchise.

Afin de rendre compte des changements opérés par cette refonte, nous avons comparé la dernière version de ce Code, mise à jour au mois de janvier 2017[1], avec une version antérieure de 2012[2].

Pour faciliter la lecture de la présente analyse, nous avons reproduit la structure de ce nouveau code et y examinerons les principales dispositions qu’il modifie[3].

Nous avons ainsi pu relever les adaptations et corrections suivantes :

PREAMBULE

Concernant le préambule du nouveau code de déontologie de la franchise, nous nous contenterons de souligner qu’il énonce, en son point 2, les principes en vertu desquels les associations membres de la Fédération Européenne de la Franchise l’appliqueront au sein de leur Etat.

Il rappelle ainsi que « Les principes déontologiques fondamentaux gouvernant la relation franchiseur-franchisé sont la bonne foi, l’équité, la transparence et la loyauté, qui sont la base d’une relation de confiance mutuelle entre les parties ».

Ces principes devront, tel que le précise le point 3 du préambule, être appliqués « à tous les stades de la relation de franchise, que ce soit au niveau précontractuel, contractuel et post-contractuel ».

Tel que le précise P. Demolin, le rappel de ces principes traduit le caractère éthique du fondement sur lequel repose l’actuel code[4].

Si l’ancienne version du Code prévoyait, en son article 2.4., l’obligation pour les parties d’agir de manière équitable dans leur relations mutuelles et de résoudre leurs griefs et litiges avec loyauté et bonne volonté, cette disposition ne faisait pas l’objet d’une mise en lumière aussi explicite que dans le texte actuel.

Or, cette mise en exergue était importante dans la mesure où bon nombre de litiges entre franchiseurs et franchisés découlent de manquements à ces principes fondamentaux du droit des obligations.  

Elle l’est d’autant plus que « même si ces règles figurent dans le code civil et dans la législation gouvernant, dans plusieurs pays européens et même ailleurs, l’information précontractuelle, le fait d’insister sur ces principes doit attirer l’attention »[5]

Définition de la franchise

La nouvelle version du Code apporte une définition neuve du caractère substantiel du savoir-faire mis à disposition du Franchisé par le Franchiseur.

Ainsi, le terme « substantiel » signifie aujourd’hui que « le savoir-faire est significatif et utile à l’acheteur pour l’utilisation, la vente ou la revente de biens ou services contractuels ».

L’ancienne définition de ce caractère substantiel fut toutefois conservée et portée en Annexe 3 du Code.

Les principes directeurs

Le Code distingue aujourd’hui plus nettement les engagements du Franchiseur, ceux du Franchisé ainsi que ceux des deux parties, en rassemblant leurs diverses obligations jusqu’alors plutôt éparses.

Parmi les engagements du Franchiseur (voy. article 2.2.), on relèvera les modifications suivantes :

  • (point a)) Le nouveau texte ajoute que c’est « pendant au moins un an et dans au moins une unité pilote » que le Franchiseur devra « avoir mis au point et exploité avec succès un concept sur le marché pertinent, avant le lancement du réseau de franchise sur ce marché » ;
  • (point b)) Le Franchiseur pourra, s’il n’en est pas titulaire, seulement « disposer de droits légaux d’utilisation » sur les signes de ralliement de la clientèle ;
  • point c)) Il devra désormais « reconnaître ses franchisés en tant qu’entrepreneur indépendant et ne devra pas créer directement ou indirectement de lien de subordination » 

  • Cette disposition fait sans nul doute écho à l’Annexe 1 de l’ancien Code, qui précisait que le Franchisé avait « une obligation de collaborer loyalement à la réussite du réseau auquel il a adhéré, en toute indépendance à l'exclusion de tout lien de subordination à l'égard du franchiseur », ainsi également qu’à l’Annexe 4 de l’ancien Code, qui stipulait que « Le franchiseur s'assure que le franchisé, par une signalisation adéquate, fait connaître sa nature d'entrepreneur juridiquement indépendant » ;

  • (point f)) Le point f) du nouvel article 2.2. est le résultat de la conjugaison d’une partie de l’Annexe 4 de l’ancien Code (à savoir, que « [la garantie de la qualité du service rendu au consommateur] est assurée par la transmission et le contrôle du respect d'un savoir-faire ») avec son Annexe 3 (qui stipulait notamment que « Le franchiseur, par une information et une formation adaptées, transmet [le savoir-faire] au franchisé et en contrôle l'application et le respect »).

Il est aujourd’hui libellé comme suit : « le Franchiseur devra transférer et/ou mettre à disposition du franchisé le savoir-faire à travers des moyens adéquats d’information et de formation et contrôlera la bonne utilisation de ce savoir-faire par le franchisé » ;

  • (point g)) Le Code prévoit aujourd’hui que c’est « afin de maintenir et de développer le savoir-faire transféré et/ou mis à disposition » que le Franchiseur encouragera le retour d’information des franchisés ; ceci est le pendant de l’ancienne Annexe 3 du Code, qui prévoyait notamment que « Le franchiseur encourage la remontée d'information des franchisés afin d'améliorer le savoir-faire » ;
  • (point h)) « utiliser tous les moyens raisonnables, au stade précontractuel, contractuel et post-contractuel, pour empêcher toute utilisation illicite du savoir-faire en particulier, par des réseaux concurrents qui pourraient porter préjudice aux intérêts du réseau » ; cet article est également le pendant de l’ancienne annexe 3 du Code, qui prévoyait que « dans les périodes précontractuelle, contractuelle et post-contractuelle, le franchiseur empêche toute utilisation et toute transmission de savoir-faire, en particulier à l'égard de réseaux concurrents, pouvant porter préjudice au réseau de franchise ».

  • (point i)) Le nouveau Code prévoit que les moyens financiers et humains que le Franchiseur devra consacrer « pour la promotion de sa marque et pour la recherche et l’innovation permettant d’assurer le développement et la pérennité de son concept », devront désormais être « appropriés » ;

  • (point j)) L’obligation pour le Franchiseur d’informer de sa politique de vente et de communication sur internet, devra non plus seulement être respectée à l’égard de ses candidats franchisés, mais également, depuis la réforme du présent Code, vis-à-vis de ses franchisés ;

  • (point k)) Alors que l’obligation « de chercher à préserver l’intérêt supérieur du réseau dans le développement de leur politique commerciale sur internet » incombait tant au Franchiseur qu’au Franchisé dans l’ancien Code, celle-ci ne concerne plus que le Franchiseur dans sa nouvelle version ;

En ce qui concerne les engagements du Franchisé (voy. article 2.3.), on relèvera les modifications suivantes :

  • (point d)) L’obligation pour le Franchisé d’ « agir loyalement à l’égard de tout franchisé du réseau ainsi qu’à l’égard du réseau lui-même », reprend pour majeure partie l’ancienne Annexe 9 du Code, mais en supprime les termes « quelles que soient les circonstances » ainsi que sa phrase finale qui indiquait quant à elle que « Le franchisé est responsable avec le franchiseur de la force du réseau »

  • (point e)) Le point e) du nouvel article 2.3. reprend, pour partie, l’ancien point b) du même article. Les termes originaux selon lesquels « Le franchisé autorisera le franchiseur et/ou ses délégués à avoir accès à ses locaux et à sa comptabilité à des heures raisonnables », furent en effet supprimés ;

Le nouveau Code prévoit désormais deux obligations supplémentaires incombant au Franchisé :

  • (point f)) celle de « permettre au franchiseur de s’assurer que les produits et services fournis au consommateur par le franchisé respectent bien la notoriété et l’image de l’enseigne ainsi que le savoir-faire transmis » ;
  • (point g)) celle d’« être seul responsable, en qualité de commerçant/entrepreneur indépendant, à l’égard du consommateur » ;

  • (point h)) Le nouveau Code étend par contre l’interdiction pour le Franchisé de divulguer à des tiers le savoir-faire qu’il détient, aux « autres informations liées à l’exploitation d’un point de vente franchisé et transmis par le franchiseur ».

Enfin, parmi les engagement continus des deux parties (voy. article 2.4.), on relèvera que le nouveau Code ajoute les obligations suivantes :

  • (point a)) Celle de « rechercher à préserver l’image et la réputation du réseau dans l’exploitation de leur entreprise respective » ;
  • (point c)) Celle de « respecter le caractère confidentiel des informations relatives au concept de franchise transmises de l’une à l’autre des Parties » ;
  • (point e)) Celle de, « lorsque la négociation directe entre les parties a échoué, rechercher à résoudre de bonne foi leur différend par la voie de la médiation et/ou de l’arbitrage le cas échéant ».

  • Enfin, le point b) de l’article 2.4. prévoit aujourd’hui que l’engagement d’« [avertir] l’autre partie par écrit de toute infraction au contrat et [de] lui [accorder], si cela est justifié, un délai raisonnable pour la réparer », incombe non plus seulement au Franchiseur, mais aux deux parties.

Recrutement, publicité et divulgation

Concernant le recrutement, la publicité et la divulgation d’informations, on relèvera seulement que la nouvelle version du Code prévoit, en son article 3.5., que le candidat franchisé sera, en plus d’être loyal, sincère « quant aux informations qu’il fournit à son franchiseur sur son expérience, ses capacités financières, sa formation en vue d’être sélectionné ».

Sélection des franchisés

L’article 4 du Code, relatif à la sélection des franchisés, reste quant à lui inchangé.

Le contrat de franchise

En vertu du nouvel article 5.1. du Code, le contrat de franchise devra désormais être en conformité avec les annexes nationales du Code de déontologie, en sus du droit national, du droit communautaire et du Code lui-même.

Le nouvel article 5.3. présente lui aussi certains ajouts par rapport à l’ancien texte.

Ainsi, il précise aujourd’hui que c’est aux Franchiseurs qu’il appartient de remettre, par écrit, « tous contrats et toutes conventions contractuelles gérant les relations franchiseur–franchisé ».

Ces contrats et conventions devront, en outre, être rédigés soit « dans la langue officielle du pays dans lequel le franchisé est établi » (conformément au texte ancien), soit « dans une langue que le franchisé déclare formellement comprendre ». Cette dernière possibilité n’existait pas avant la réforme du Code.

Pour le reste, le nouveau Code a également supprimé l’exigence de recourir à l’intervention d’un traducteur assermenté.

Enfin, la nouvelle version du Code ajoute également, à la liste des dispositions minimales devant être reprises dans le contrat de franchise, « les droits de propriété intellectuelle du franchiseur sur les marques, enseignes, etc. devront être protégés pour une durée au moins aussi longue que celle du contrat de franchise conclu avec le franchisé ».

Cette liste fut également modifiée en deux de ses dispositions :

Alors qu’anciennement, le contrat de franchise devait mentionner « les conditions dans lesquelles pourront s'opérer la cession ou le transfert des droits découlant du contrat et les conditions de préemption du franchiseur » (libellé à vocation générale), le nouveau Code précise aujourd’hui qu’il s’agit des « conditions dans lesquelles le franchisé a le droit de céder ou de transférer » de tels droits ;

L’ancienne version du Code prévoyait que le contrat de franchise devait comprendre « les clauses prévoyant la récupération par le franchiseur de tout élément corporel ou incorporel lui appartenant en cas de cessation du contrat avant l'échéance prévue » ; les termes « avant l’échéance prévue » ont tout bonnement été supprimés à l’occasion de la mise à jour du texte.

CONCLUSION

La refonte du Code de déontologie européen de la franchise constitue une belle amélioration de ce qu’il prévoyait jusqu’alors.

Il synthétise les bonnes pratiques applicables en matière de franchise, indispensables à garantir l’équilibre entre les droits de chacune des parties impliquées dans le réseau.

Il étend la prise en compte des intérêts du franchisé, notamment en imposant au franchiseur de veiller à ce que sa franchise rencontre des exigences d’éthique et d’authenticité.

Il insiste davantage sur les principes de bonne foi, d’équité, de transparence et de loyauté dans les relations entre parties, celles-ci étant désormais tenues, en cas de conflit les opposant, de négocier une solution loyale à leur différend en recourant, le cas échéant, à la médiation et/ou l’arbitrage.

 

 

[1] Disponible notamment sur le site de la Fédération française de la franchise (www.franchise-fff.com).

[2] Alors publiée officiellement sur le site de la Fédération française de la franchise.                        

[3] A cet effet, nous surlignerons en gras les éléments nouveaux introduits dans le Code par la FEF.

[4] P. Demolin, « Le préambule du code européen de déontologie de la franchise », Dossier : Le nouveau code européen de déontologie de la franchise, disponible sur www.be.ac-franchise.com.

[5] Ibid.