Nouveau code civil et règles en matière de preuve
par Cécile Staudt
14-02-2020

Nouveau code civil et règles en matière de preuve

La loi du 13 avril 2019 crée le « nouveau » Code civil qui sera subdivisé en 9 livres. Un livre 8, intitulé « la preuve », entrera en vigueur le 1er novembre 2020. A cette date, le Code civil actuel de 1804 deviendra l’ « ancien Code civil ».

Le livre 8 consacré à la preuve se divise en trois chapitres :

  • Le chapitre 1 contient des « dispositions générales » (définitions, caractère supplétif des règles relatives à la preuve, objet de la preuve, charge de la preuve, degré de la preuve, présomptions légales) ;
  • Le chapitre 2 est consacré à l’admissibilité des modes de preuve (preuve libre et preuve réglementée) ;
  • Le chapitre 3 énumère les différents modes de preuve et les règles qui leurs sont applicables.

Les nouvelles règles reprennent en partie les règles actuelles en y intégrant la jurisprudence existante et en y apportant diverses modifications dans un souci de modernisation et de lisibilité.

Sans aucunement prétendre être exhaustif, relevons ici quelques éléments qui méritent d’être soulignés.

Ainsi, parmi les définitions, le législateur définit désormais l’ « écrit » comme « un ensemble de signes alphabétiques ou de tous autres signes intelligibles apposés sur un support permettant d’y accéder pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et de préserver leur intégrité quels que soient le support et les modalités de transmission ».  La « signature » est quant à elle définie comme un « signe ou une suite de signes tracés à la main, par voie électronique ou par un autre procédé, par lesquels une personne s’identifie et manifeste sa volonté ».

En ce qui concerne la charge de la preuve, le nouveau code reprend et élargit les règles existantes selon lesquelles :

  • Celui qui veut faire valoir une prétention en justice doit prouver les actes juridiques ou faits qui la fondent ;
  • Celui qui se prétend libéré doit prouver les actes juridiques ou faits qui soutiennent sa prétention ;
  • Toutes les parties doivent collaborer à l’administration de la preuve.

Le code intègre par ailleurs la théorique du « risque de la preuve » en indiquant qu’en cas de doutes, celui qui a la charge de prouver succombe au procès, sauf si la loi en dispose autrement.

Une des grandes nouveautés du code est par ailleurs insérée à cet endroit en prévoyant la faculté pour le juge de renverser la charge de la preuve, de manière cependant limitée et encadrée.

Ainsi, le juge a le pouvoir de déterminer qui supporte la charge de la preuve, lorsque l’application des règles prévues à cet égard « serait manifestement déraisonnable », à condition de le faire « par un jugement spécialement motivé » et uniquement « dans des circonstances exceptionnelles ». Le juge ne peut faire usage de cette faculté que s’il a ordonné toutes les mesures d’instructions utiles et a veillé à ce que les parties collaborent à l’administration de la preuve, sans pour autant obtenir de preuve suffisante. 

Selon les travaux préparatoires, ce renversement de la charge de la preuve pourrait être utilisé comme sanction en cas de refus fautif d’une des parties de collaborer à l’administration de la preuve.  Tel pourrait également être le cas lorsqu’il existe un déséquilibre important entre l’aptitude des parties en présence à rapporter une preuve. Il est cependant précisé que le simple déséquilibre économique entre les parties ne peut pas en soi justifier un renversement de la charge de la preuve.

En ce qui concerne le degré de preuve, le nouveau code prévoit que, sauf si la loi en dispose autrement, la preuve doit en principe être rapportée « avec un degré raisonnable de certitude ».

Deux tempéraments sont cependant prévus, permettant à une partie de se contenter d’établir la vraisemblance d’un fait :

  • D’une part, pour la preuve d’un fait négatif ;
  • D’autre part, pour les faits positifs dont, par la nature même du fait à prouver, il n’est pas possible ou pas raisonnable d’exiger une preuve certaine.

Le chapitre 2 relatif à l’admissibilité des modes de preuves commence par indiquer que, hormis les cas où la loi en dispose autrement, la preuve peut être apportée par tout mode de preuve.

Le principe de la liberté de la preuve semble ainsi se voir accorder une place plus importante.

Dans le même ordre d’idées, le plafond au-delà duquel un écrit est exigé est augmenté de 375 euros à 3.500 euros. En deçà, la preuve est donc libre.

Le nouveau code énumère ensuite différentes exceptions au système de la preuve règlementée et de l’exigence d’un écrit. Il reprend globalement, et moyennant certaines adaptations, les exceptions existantes, telles que la liberté de la preuve contre des entreprises ou entre entreprises (sauf exceptions), en cas d’impossibilité de prouver, en cas d’existence d’un commencement de preuve par écrit ou encore en cas de preuve par et contre les tiers.

Le code ajoute par ailleurs une nouvelle exception relative aux actes juridiques unilatéraux pour lesquels l’exigence d’un écrit est donc supprimée, quel que soit le montant sur lequel l’acte porte, sous réserve des engagements unilatéraux de payer par lesquels une personne s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer une quantité de choses fongibles.  Dans ce cas, l’engagement devra être prouvé au moyen d’un écrit portant la mention, écrite en toutes lettres par celui qui s’engage, de la somme ou de la quantité qui fait l’objet de l’engagement.