En Autriche, le tribunal des ententes de Vienne a rendu le 12 mai 2020, en première instance, une décision très intéressante dans un litige qui opposait un concessionnaire Peugeot à l'importateur général des véhicules Peugeot en Autriche (ci-après « Peugeot »).
Les parties étaient liées par des contrats accordant au concessionnaire le droit (non-exclusif) de distribuer des véhicules neufs et des véhicules utilitaires légers (et accessoires) de la marque Peugeot ainsi que d’assurer le service après-vente sur ces véhicules.
Le concessionnaire se plaignait d’avoir souffert, comme de nombreux autres concessionnaires Peugeot en Autriche et en Europe, d'exigences disproportionnées imposées par Peugeot, de nature à lui causer de graves désavantages économiques et à remettre en cause son indépendance.
Le Tribunal a estimé que Peugeot, qui disposait d’un pouvoir de marché relatif par rapport aux activités des concessionnaires, avait commis des abus et a condamné plusieurs pratiques de Peugeot, tant dans le domaine de la vente que dans celui des activités après-vente.
Tel est le cas, en ce qui concerne la vente de voitures neuves, des pratiques suivantes :
Dans le cadre des activités après-vente, le Tribunal a condamné le système de contrôle complexe ainsi que des conditions qui rendent le travail économiquement non rentable pour les concessionnaires (non remboursement de l’intégralité des dépenses des concessionnaires pour réaliser les travaux sous garantie, notamment en raison de taux horaires ne correspondant pas à la réalité).
Enfin, de manière plus générale, le Tribunal a condamné le fait pour Peugeot de répercuter sur les concessionnaires les coûts de son système d'évaluation mystère et d'audit de vérification des critères, en les incluant en l’espèce dans le montant forfaitaire réclamé pour les formations.
Par contre, le Tribunal a rejeté les critiques du concessionnaires à l’encontre de certains autres griefs du concessionnaire concernant:
Il est probable que Peugeot interjette appel contre cette décision.
Dans l’intervalle, cette décision fait la lumière sur des pratiques courantes dans le secteur de la distribution automobile où le rapport de force entre le constructeur/importateur et les concessionnaires/réparateurs se détériore de plus en plus au détriment de ces derniers.
En droit belge outre l’interdiction des abus de position dominante, rappelons que le droit belge de la concurrence interdit désormais l’abus de dépendance économique, les dispositions relatives à cette dernière interdiction entrant en vigueur le mois prochain de juin 2020. Sont par ailleurs interdites au titre de pratiques déloyales, les pratiques trompeuses et agressives. Enfin, à côté de ces dispositions particulières, le droit civil interdit quant à lui l’abus de droit et impose aux parties d’exécuter leurs contrats de bonne foi.
Il nous semble que les pratiques évoquées dans cette décision pourraient être condamnées sur la base de ces dispositions. Espérons que la décision autrichienne évoquée ici soit à la base dune prise de conscience et d’une (r)évolution des relations contractuelles entre parties aux contrats de concession automobile vers un meilleur équilibre.
Cécile Staudt & Patrick Kileste,
Avocats KMS Partners